Catégorie : Critiques

Écrits centrés sur un film en particulier, peut être des sorties récentes ou selon nos envies.

  • Linda Linda Linda (Nobuhiro Yamashita, 2005)

    En 2005 sort en salles le film japonais Linda Linda Linda réalisé par Nobuhiro Yamashita. Sorte de coming-of-age movie, ce récit s’attache à suivre un groupe de lycéennes devant performer lors du Shiba High Holly Festival, fête du lycée et événement marquant la fin de leurs années passées la bas. Après une blessure de la guitariste et une démission de la chanteuse, ce groupe de 4 lycéennes se constitue alors de : Kei, la claviériste (devenant guitariste) ; Kyoko, la batteuse ; Nozomi, la bassiste ; et Son, chanteuse coréenne recrutée sur le tas pour remplacer l’ancienne. Ensemble, elles décident de reprendre des chansons du groupe de punk rock japonais, Blue Heart. Et notamment la célèbre Linda Linda (première occurrence musicale du film, lui donnant ainsi son titre). 

    Le long métrage met en scène la sortie du cadre (métaphorique et scénique) de ces filles (et, surtout, par ces filles). En effet, dès le début, et sa mise en abyme filmique, des questions identitaires sont posées (“Où est notre vrai moi ?”). Ainsi, le film dépeint, par son premier travelling latéral, des vignettes (via l’esthétique du surcadrage). Celles-ci seront présentes tout au long du film, et souvent reléguées au second plan (sans que cela soit négatif). Au contraire, la caméra tient ici un discours. ll faut s’attacher à ces récits, que certains pourraient juger microscopiques (que ce soit visuellement ou au niveau des enjeux qu’ils représentent). Or l’ambition ici est de montrer que ces instants comptent et sont importants dans la construction identitaire de ces personnages à l’âge adolescent. C’est tout autant la construction d’un groupe (que certaines quittent et d’autres rejoignent) que celle d’une identité propre à chacune, la quête de l’acceptation de soi. 

    Alors, il semble falloir être dans son monde (son cadre) avant d’exister en dehors / avec les autres. Le plan cristallisant parfaitement cette idée a lieu lors de la dernière répétition. On voit tout et on entend tout malgré l’étroitesse du surcadrage dans lequel les actrices évoluent. Manière de dire que tout cela sera, un jour, qu’un petit détail (d’où la taille) mais pour l’instant, c’est tout. C’est leur construction qui se joue ici et leur moment de joie collectif. 

    Les paroles de la chanson “Because there is beauty in the world that can’t be photographed” font alors échos à l’entièreté du film en lui-même ; tant il est poignant dans sa représentation de cet âge là et des questionnements qu’il soulève (amour, amitié, ipséité, etc.). Si ce film a donné un regain d’intérêt au groupe des Blue Hearts, il a surtout su en insuffler un chez les spectateurs / spectatrices. Véritable élan vital, ce film encapsule et capture parfaitement l’essence d’être jeune et les problèmes liés à cette période dans une esthétique formelle brillante de simplicité apparente. 


    Pour finir, en revenant aux questions identitaires évoquées plus tôt, la réponse qui était donnée en début de film, se retrouve alors à la fin. Notre vrai moi est “ici et maintenant”, c’est-à-dire devant une salle remplie de lycéens et lycéennes joyeux et unis par l’art, comme nous le sommes, spectateurs et spectatrices, face à ce film pétulant, qui ne donne envie que d’être heureux et de poursuivre ses rêves.

  • Palomebella Rossa (Nanni Moretti, 1989)

    Palomebella Rossa (Nanni Moretti, 1989)

    Ce texte est une reprise d’un texte originellement publié sur mon compte Letterboxd.

    Dans le cadre d’un match de water-polo, Nanni Moretti utilise pour la dernière fois son alter ego de Michele Apicella. Cette fois-ci, il est un politique du parti communiste italien, et il a perdu la mémoire.

    La cause de son amnésie vient d’un accident qu’il a subit dès l’ouverture du film. Cet évènement est montré en quelques minutes, à peine sorti de l’infirmerie sans même se souvenir de son identité il est embarqué par ses coéquipiers vers la finale du championnat. Palombella Rossa est un film fondamentalement introspectif ; l’univers du film perd tout lien avec la réalité et s’autorise des images iconiques (quand Michele plonge dans la piscine pour échapper à des admirateurs et qu’il nage au milieu de panneaux publicitaires de glaces, une musique extra-diégétique achève la suggestion d’un imaginaire de l’enfance).

    Au fil des entraînements, des matchs et des intervention de personnages inconnus, les souvenirs se font ramener à lui. Souvenirs de son enfance, sa dernière intervention télévisée, son militantisme passé. L’eau est l’élément formel qui vient lier ses souvenirs hétérogènes ; avec les différentes figures auxiliaires qui n’ont rien à voir autour d’un match de water-polo (syndicaliste, théologien, maître de yoga, …)..

    Michele reprend le sens des mots, alors qu’il utilisait des formulations creuses dans les souvenir de son intervention dans une émission politique. En mettant en relation ce film avec le documentaire La Cosa (1990) qui documentait les débats des militants dans un PCI au bord de la dissolution et à l’identité en déperdition.

    Palombella Rossa est un film non seulement plaisant à voir, avec son lot d’images cultes (la dernière séquence sur le circus maximus qui me rappelle une des dernières séquences de Nostalghia, les séquences de nage au ralenti), les diatribes d’un Nanni Moretti qui pense à voix haute, et une profondeur d’analyse qui mêle la recherche d’identité d’un individu et de tout un pan de la société italienne.